En 2025, la Tunisie reste l’un des rares pays au monde à interdire complètement l’utilisation des cryptomonnaies. Pas de trading, pas de mining, pas même de paiement en Bitcoin ou en Ethereum. Tout cela est illégal. Et les conséquences ne sont pas anecdotiques : jusqu’à cinq ans de prison, des amendes lourdes, et la saisie immédiate de vos actifs. Pourtant, des milliers de Tunisiens continuent d’acheter, de vendre et d’échanger des crypto-actifs en secret. Comment ? Et surtout, à quel prix ?
Une interdiction totale, depuis 2018
En 2018, la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a publié une directive qui a tout changé. Elle a déclaré que les cryptomonnaies ne sont pas une monnaie, pas un bien, pas un outil légal. Elles sont simplement interdites. Toute transaction impliquant des actifs numériques - même un simple transfert de Bitcoin à un ami - est considérée comme une violation de la loi sur le contrôle des changes.Les banques tunisiennes sont obligées de bloquer tout transfert lié aux crypto. Les plateformes d’échange ne peuvent pas obtenir de licence. Les mineurs qui importent des ASIC pour extraire du Bitcoin risquent de voir leur matériel confisqué à la frontière. Même les entreprises qui veulent comptabiliser des crypto sur leurs livres comptables sont en infraction. Il n’y a pas d’exception. Pas de « si » ni de « mais ».
Qui contrôle quoi ? Trois organismes, une seule règle : interdire
L’application de cette interdiction ne repose pas sur un seul organisme. Trois entités travaillent ensemble pour s’assurer que personne ne contourne la loi.La Banque Centrale de Tunisie (BCT) est la principale autorité. Elle a lancé la directive de 2018 et surveille les banques pour qu’elles ne traitent aucune opération crypto. La Commission des Marchés Financiers (CMF) intervient si quelqu’un tente d’émettre des jetons de sécurité - ce qui est aussi interdit. Et la Commission Nationale de Lutte contre le Blanchiment d’Argent (CTAF) reçoit les signalements des banques : si un client transfère de l’argent vers un échange offshore, il est automatiquement mis sous surveillance.
Il n’y a pas de zone grise. Même les projets blockchain qui prétendent être « utiles » - comme le suivi de chaînes d’approvisionnement - doivent être sur des réseaux privés, contrôlés par l’État. Le seul espace légal, c’est le « sandbox » de la BCT. Mais il ne concerne que des projets très spécifiques, comme des applications de traçabilité pour les exportations agricoles. Pas de crypto pour les particuliers. Pas de trading. Pas de NFT.
Les peines : jusqu’à cinq ans de prison
Ce n’est pas une simple amende. Ce n’est pas un avertissement. C’est de la prison.La loi tunisienne sur le contrôle des changes prévoit des peines allant jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour toute personne impliquée dans une activité crypto. Cela inclut :
- Trader sur Binance ou Kraken depuis la Tunisie
- Importer un mineur ASIC
- Accepter du Bitcoin comme paiement pour un service
- Créer une plateforme d’échange locale
- Juste détenir des crypto dans un portefeuille
Les autorités peuvent aussi saisir tous les gains réalisés. Si vous avez acheté 1 BTC en 2020 pour 5 000 € et que vous le vendez en 2025 pour 70 000 €, le profit est considéré comme illégal. Il est confisqué. Et vous risquez d’être poursuivi.
Les entreprises ne sont pas épargnées. Si une startup tunisienne accepte des paiements en crypto, même sans le savoir, elle peut être fermée. Ses comptes bloqués. Ses dirigeants interrogés. Il n’y a pas de « bonne foi » dans cette loi.
Comment les gens font-ils quand même ?
Malgré tout cela, les Tunisiens continuent d’utiliser les cryptomonnaies. Pourquoi ? Parce que l’inflation frappe fort, le dinar perd de la valeur, et les jeunes cherchent des moyens de sauvegarder leur argent.Les méthodes sont simples, mais dangereuses :
- Utiliser un VPN pour accéder à des échanges comme Binance ou Bybit
- Faire des transactions P2P via Telegram ou WhatsApp, en cash ou via des transferts bancaires masqués
- Envoyer de l’argent à un ami à l’étranger qui achète des crypto pour eux
- Utiliser des portefeuilles non-custodiaux (comme Trust Wallet ou MetaMask) pour garder leurs actifs hors des banques
Plusieurs cas ont été rendus publics : des comptes bancaires gelés après des transferts suspects, des personnes interrogées par la police pour avoir reçu des fonds depuis l’étranger, des mineurs arrêtés à l’aéroport avec des équipements cachés dans leurs valises.
Le marché souterrain est vivant. Mais il n’y a aucune protection. Si vous êtes arnaqué, vous ne pouvez pas porter plainte. Si vous êtes piraté, vous ne pouvez pas demander de remboursement. Si la police débarque chez vous avec un mandat, vous n’avez aucun droit légal pour défendre vos crypto.
Le brain drain : les talents fuient
L’interdiction ne touche pas seulement les particuliers. Elle frappe aussi l’économie numérique du pays.Des startups tunisiennes qui voulaient développer des applications blockchain ont dû délocaliser leurs équipes à Dubaï, à Lisbonne ou à Berlin. Des développeurs talentueux ont quitté le pays parce qu’ils ne pouvaient plus travailler sur des projets en lien avec la technologie blockchain - même si ce n’était pas pour du trading.
Les universités ne peuvent pas enseigner la blockchain dans un cadre pratique. Les hackathons sont limités aux applications « autorisées ». Les jeunes qui veulent apprendre le Web3 n’ont pas d’opportunités locales. Le résultat ? Une perte de compétences, d’innovation, et de capital humain.
Alors que la région - Maroc, Égypte, Émirats - avance vers des cadres réglementaires clairs, la Tunisie s’enferme dans une interdiction totale. Ce n’est pas une protection. C’est un aveu d’incapacité à gérer la transformation numérique.
Les exceptions ? Il n’y en a pas - sauf pour l’État
La BCT travaille sur un projet d’e-Dinar, une monnaie numérique de banque centrale (CBDC). Mais ce n’est pas du Bitcoin. Ce n’est pas du Web3. C’est un système centralisé, contrôlé par l’État, où chaque transaction est traçable. Il n’y a pas de décentralisation. Pas de liberté. Pas de choix.La technologie blockchain est acceptée… mais seulement pour les dossiers administratifs, les registres fonciers, ou la traçabilité des marchandises. Et seulement si l’État en est le seul maître. Ce n’est pas une innovation. C’est un outil de contrôle.
Que faire si vous êtes déjà impliqué ?
Si vous avez déjà acheté des crypto, vendu, ou miné - même il y a des années - vous êtes en situation de risque. La loi ne prévoit pas de « prescription » pour ces infractions. Les autorités peuvent revenir sur des opérations datant de 2019.Voici ce que vous devez savoir :
- Ne déclarez rien. Les banques ne sont pas tenues de vous protéger. Elles doivent signaler tout mouvement suspect.
- Ne transférez plus d’argent vers des échanges étrangers. Même un petit virement peut déclencher une enquête.
- Ne parlez pas de vos actifs en public. Les réseaux sociaux sont surveillés.
- Si vous avez des actifs en crypto, gardez-les hors des portefeuilles liés à votre identité tunisienne.
- Ne tentez pas de convertir vos crypto en dinar. C’est le moyen le plus rapide d’attirer l’attention des autorités.
Il n’y a pas de voie légale. Il n’y a pas de « bon » moyen. La seule option sécurisée, c’est d’arrêter toute activité crypto et d’attendre un changement de politique - ce qui, à ce jour, n’est pas prévu.
Et demain ?
Certains observateurs pensent que la pression internationale, la montée de l’adoption mondiale, et la fuite des talents pourraient forcer la Tunisie à revoir sa position. Des discussions parlementaires ont évoqué l’idée de classer les crypto comme « actifs virtuels » et d’imposer des règles de traçabilité (comme le FATF Travel Rule).Mais pour l’instant, rien ne bouge. Le gouvernement maintient sa ligne dure. La BCT n’a pas annoncé de levée de l’interdiction. Pas de feu vert. Pas de décret. Pas de signal.
En 2025, la Tunisie est un pays où posséder une crypto peut vous coûter votre liberté. Où l’innovation est punie. Où les jeunes sont poussés à choisir entre leur avenir numérique… et leur avenir en Tunisie.
Est-ce que je peux acheter des crypto en Tunisie sans risque ?
Non. Aucune forme d’achat, de vente ou d’échange de cryptomonnaies n’est légale en Tunisie. Même si vous utilisez un VPN ou un échange offshore, vous enfreignez la loi de 2018 de la Banque Centrale de Tunisie. Les banques signalent les transactions suspectes, et les autorités peuvent saisir vos actifs et vous poursuivre en justice.
Quelles sont les peines pour trading de crypto en Tunisie ?
Les peines peuvent aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et des amendes importantes. Toute activité liée aux cryptomonnaies - trading, mining, acceptation de paiement en crypto, ou même simple détention si elle est découverte - est considérée comme une violation de la loi sur le contrôle des changes. Les bénéfices réalisés sont aussi confisqués.
Les banques tunisiennes bloquent-elles les transferts vers les exchanges ?
Oui. Toutes les banques en Tunisie sont obligées de bloquer tout transfert vers des plateformes d’échange de cryptomonnaies. Si vous essayez d’envoyer des dinars vers Binance, Kraken ou Coinbase, la transaction sera refusée. De plus, votre compte peut être signalé à la CTAF pour « activité suspecte ».
Puis-je miner des crypto en Tunisie ?
Non. L’importation d’équipements de minage (ASIC) est interdite et peut entraîner la saisie immédiate du matériel par les douanes. Même si vous réussissez à le faire entrer, échanger les crypto minés contre des dinars est illégal. Le mining est considéré comme une activité financière non autorisée et est puni comme une violation de la loi sur le contrôle des changes.
Le e-Dinar est-il une cryptomonnaie ?
Non. Le e-Dinar est une monnaie numérique de banque centrale (CBDC) entièrement contrôlée par la Banque Centrale de Tunisie. Contrairement aux cryptomonnaies décentralisées, il n’y a pas de blockchain publique, pas d’anonymat, et pas de possibilité de l’utiliser hors du système étatique. C’est un outil de surveillance financière, pas une alternative au Bitcoin ou à l’Ethereum.
Stephane Castellani
novembre 1, 2025 AT 02:33Et la police, elle sait déjà où chercher.
Anaïs MEUNIER-COLIN
novembre 1, 2025 AT 06:53On dirait un régime soviétique avec des smartphones.
Je suis choquée.
Comment peut-on encore prétendre être une démocratie ?
On interdit la technologie parce qu'on n'a pas la capacité de la comprendre.
Ça fait 7 ans que c'est comme ça, et rien ne change.
Les jeunes fuient, les startups meurent, et les vieux à la BCT s'endorment sur leurs dossiers.
Vous savez ce qu'ils appellent ça en France ? Un État dépassé.
Et moi je dis : tant pis pour eux.
Leur économie va s'effondrer, et ils ne verront même pas venir le crash.
Le dinar va devenir une blague mondiale.
Et les seuls qui gagnent, ce sont les escrocs qui vendent des VPN à 50€/mois.
Le vrai crime, c'est que les gens n'ont même pas le droit de protéger leur argent.
Et vous, vous trouvez ça normal ? Moi, non.
Je pleure pour la Tunisie.