En 2021, la Chine a fermé les portes aux mineurs de Bitcoin. Pas une simple régulation. Pas un simple avertissement. Une interdiction totale, imposée par le gouvernement central, avec des inspections sur le terrain, des coupures d’électricité et des confiscations de machines. En quelques mois, plus de 75 % de la puissance mondiale de minage de Bitcoin - une industrie entière - a été déplacée. Où sont-ils allés ? Ce n’était pas une fuite au hasard. C’était une migration stratégique, calculée, et elle a redessiné la carte du minage mondial.
La Chine n’était plus un endroit sûr
Avant 2021, la Chine dominait le minage de Bitcoin comme un monopole. Des fermes entières, parfois plus grandes que des usines, étaient installées dans les provinces du Xinjiang, du Sichuan et de l’Inner Mongolia. Elles utilisaient l’électricité bon marché issue des barrages hydroélectriques ou des centrales à charbon. Mais cette domination était fragile. Le gouvernement chinois n’a jamais aimé les cryptomonnaies. Il les voyait comme une menace à son contrôle financier. En 2021, il est passé de la tolérance à la répression. L’Inner Mongolia a interdit le minage en mars. Puis, en juin, Pékin a annoncé que toutes les activités de minage étaient illégales. Les mineurs avaient 30 jours pour fermer. Beaucoup n’ont même pas eu ce délai.Les machines ASIC, ces appareils lourds et bruyants, étaient conçues pour être démontées et transportées. Elles n’ont pas besoin de usines complexes, ni de chaînes d’approvisionnement. Un simple câble électrique et une connexion internet suffisent. C’était la clé : la mobilité. Des milliers de ces machines ont été chargées sur des camions, expédiées par conteneurs, et envoyées vers des pays où l’électricité était bon marché et les lois plus souples.
Kazakhstan : le premier bénéficiaire
Le Kazakhstan est devenu le nouveau cœur du minage Bitcoin. En septembre 2019, il ne représentait que 1,4 % de la puissance mondiale. Un an plus tard, en avril 2021, il en avait 8,2 %. En octobre 2021, il a dépassé la Chine. Pourquoi ? Parce qu’il avait ce que les mineurs cherchaient : de l’électricité, beaucoup, et à bas prix. Le Kazakhstan possède d’immenses réserves de charbon. Ses centrales électriques étaient sous-utilisées. Quand les mineurs chinois sont arrivés, les autorités kazakhes ont vu une opportunité. Elles ont facilité les importations d’équipements, simplifié les procédures douanières, et même créé des zones industrielles dédiées au minage.Le résultat ? Des fermes de minage ont poussé comme des champignons près de Karaganda et d’Almaty. Mais ce n’était pas sans conséquence. La demande d’électricité a grimpé de 30 % en quelques mois. Certains quartiers ont connu des coupures. Les environnementalistes ont crié au scandale : le minage au charbon est l’un des plus polluants au monde. Mais pour les mineurs, le calcul était simple : moins de régulation, plus de puissance, et des coûts encore bas.
Texas : l’alternative américaine
Pendant que le Kazakhstan s’emparait du charbon, les États-Unis, et plus particulièrement le Texas, ont pris le virage de l’énergie propre. Le Texas n’a pas attendu la Chine pour s’intéresser au minage. Mais quand les mineurs ont fui Pékin, ils ont trouvé dans le Lone Star State un paradis : pas de régulation fédérale, des tarifs d’électricité parmi les plus bas du monde, et une infrastructure énergétique capable de supporter des pics de consommation.Le Texas produit 22,5 % de son électricité à partir du vent et du soleil. Pendant la nuit, quand la demande diminue, les parcs éoliens produisent encore. Les mineurs ont compris : ils pouvaient consommer cette énergie excédentaire, presque gratuite. Certains ont même signé des contrats avec les producteurs d’énergie renouvelable pour utiliser uniquement l’électricité verte. Des entreprises comme Riot Blockchain et Marathon Digital ont investi des milliards de dollars dans des fermes de minage à Fort Worth, Houston et Abilene.
Et ce n’est pas que du minage. C’est devenu un outil de stabilité du réseau. Pendant la tempête de 2021, quand des millions de Texans ont perdu l’électricité, les fermes de minage ont réduit leur consommation pour éviter les coupures. Elles ont agi comme des amortisseurs. Le Texas a compris : le minage n’est pas un parasite. Il peut être un partenaire du réseau électrique.
Autres destinations : la Russie, l’Iran, et l’Asie du Sud
Le Kazakhstan et le Texas ne sont pas les seuls. La Russie a vu sa part de minage passer de 3 % à plus de 6,8 % en 2021. Des mineurs ont installé des fermes en Sibérie, où l’hiver froid réduit les coûts de refroidissement. L’Iran, malgré les sanctions internationales, a autorisé le minage pour gagner des devises étrangères. Des centaines de milliers de machines ont été importées illégalement. En Asie du Sud, le Pakistan et la Mongolie ont aussi attiré des mineurs, mais avec moins d’infrastructures. Leurs gains ont été plus petits, plus instables.La différence entre ces pays et le Texas ou le Kazakhstan ? La stabilité. Le Pakistan a récemment interrompu les licences de minage après des coupures généralisées. La Mongolie a augmenté les taxes. La Russie pourrait à tout moment réprimer les activités en raison des sanctions. Le Texas et le Kazakhstan, eux, ont choisi de capitaliser sur cette industrie. Ils l’ont intégrée à leur économie.
Le minage est devenu plus décentralisé - et plus résistant
Avant 2021, si la Chine avait coupé l’électricité, le réseau Bitcoin aurait pu s’effondrer. Une seule nation contrôlait presque tout. Après la migration, c’est fini. Le minage est maintenant réparti sur cinq continents. Le Texas, le Kazakhstan, la Russie, la Géorgie, la Suède, et même le Canada ont des fermes importantes. Ce n’est pas une coincidence. C’est le résultat d’une réaction humaine à la pression. Quand un pays ferme la porte, les mineurs trouvent une fenêtre.Le réseau Bitcoin est plus fort aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été. La puissance totale de minage a rebondi plus vite que prévu. Et la géographie a changé. Les mineurs ne cherchent plus seulement le prix le plus bas de l’électricité. Ils cherchent la stabilité. La transparence. La fiabilité. Le Texas offre ça avec les énergies renouvelables. Le Kazakhstan offre ça avec la capacité brute. Ce n’est plus un jeu de hasard. C’est une stratégie.
Que se passe-t-il aujourd’hui ?
En 2025, la Chine reste hors du jeu. Aucun mineur légal n’y opère. Le gouvernement continue de réprimer toute activité, même en dehors des grandes villes. Pendant ce temps, le Texas a dépassé les 5 gigawatts de puissance de minage installée - la moitié de toute la capacité américaine. Le Kazakhstan, malgré quelques tensions politiques, reste le deuxième pays au monde en termes de puissance de minage. Les nouvelles fermes sont plus grandes, plus efficaces, et utilisent des technologies de refroidissement avancées. Les mineurs ne sont plus des fugitifs. Ils sont des investisseurs. Ils construisent des bâtiments. Embauchent des ingénieurs. Paient des impôts.La leçon ? Les interdictions ne tuent pas les technologies. Elles les déplacent. Le Bitcoin n’a pas besoin d’un pays pour survivre. Il a besoin d’électricité. Et l’électricité, elle, n’a pas de frontières.
Pourquoi la Chine a-t-elle interdit le minage de Bitcoin ?
La Chine a interdit le minage de Bitcoin pour contrôler son système financier et limiter la consommation d’énergie. Le gouvernement voyait les cryptomonnaies comme une menace à son autorité monétaire. Les fermes de minage consommaient des quantités massives d’électricité, souvent issue du charbon, ce qui contredisait les objectifs environnementaux du pays. En 2021, les autorités ont passé de la tolérance à la répression, avec des coupures d’électricité et des saisies d’équipements.
Pourquoi le Kazakhstan a-t-il attiré tant de mineurs ?
Le Kazakhstan avait une capacité énergétique sous-utilisée, surtout grâce à ses centrales à charbon, et des tarifs d’électricité très bas. Les autorités locales ont facilité l’importation des machines ASIC, ont créé des zones industrielles dédiées, et n’ont pas imposé de régulation stricte. En quelques mois, le pays est passé du 18e au 2e rang mondial en puissance de minage.
Le Texas est-il vraiment plus vert que le Kazakhstan pour le minage ?
Oui, dans une large mesure. Le Texas utilise 22,5 % d’énergie renouvelable (éolien et solaire) dans son mix électrique, et les mineurs y achètent souvent de l’électricité excédentaire produite la nuit ou pendant les périodes de faible demande. Au Kazakhstan, la majorité de l’électricité vient du charbon, ce qui rend le minage beaucoup plus polluant. Mais les mineurs au Texas paient parfois plus cher - ils échangent un coût plus élevé contre une empreinte carbone plus faible.
Le minage de Bitcoin est-il toujours illégal en Chine en 2025 ?
Oui, totalement. En 2025, le minage de Bitcoin reste interdit en Chine. Toute activité de minage, même à petite échelle, est considérée comme illégale. Les autorités continuent de mener des opérations de contrôle, notamment dans les zones rurales où des mineurs clandestins tentent encore de fonctionner. Les sanctions peuvent inclure la confiscation des machines et des amendes sévères.
Les mineurs peuvent-ils revenir en Chine un jour ?
Il est peu probable. Le gouvernement chinois a investi des milliards dans sa propre monnaie numérique d’État (e-CNY) et voit les cryptomonnaies comme une concurrence directe. Les politiques actuelles ne prévoient aucun assouplissement. De plus, les infrastructures énergétiques chinoises sont maintenant orientées vers la stabilité et la réduction des émissions, pas vers l’alimentation d’industries à forte consommation comme le minage.