Qu’est-ce qu’un mempool et pourquoi ça compte ?
Imaginez que vous envoyez des bitcoins ou des ether, mais que la blockchain n’est pas encore prête à les enregistrer. Où vont vos transactions pendant ce temps ? Elles attendent dans ce qu’on appelle un mempool. Ce n’est pas un endroit physique, mais une mémoire temporaire sur chaque nœud du réseau. C’est là que toutes les transactions non confirmées s’entassent, en attendant d’être incluses dans un bloc. Sans mempool, les blockchains ne pourraient pas fonctionner. C’est le tampon qui permet de gérer l’afflux de transactions avant qu’elles ne soient validées par les mineurs ou les validateurs.
Le concept est né avec Bitcoin en 2009, même si Satoshi Nakamoto n’a pas utilisé ce terme dans son whitepaper. Aujourd’hui, presque toutes les blockchains - 98 % selon une étude d’ECOS en 2024 - utilisent un mempool. Mais ce n’est pas le même partout. Ce que vous voyez sur Bitcoin n’a rien à voir avec ce qui se passe sur Ethereum, Solana ou BNB Chain. Comprendre ces différences, c’est comprendre pourquoi certaines transactions prennent des heures, d’autres des secondes, et pourquoi les frais peuvent exploser d’un jour à l’autre.
Comment Bitcoin gère son mempool : simple, mais rigide
Le mempool de Bitcoin est comme une file d’attente où les plus offrants passent en premier. Chaque transaction est classée selon son coût en satoshis par octet. Pas de complexité. Pas de formules. Si vous payez 5 satoshis par octet, vous montez dans la file. Si vous payez 2, vous attendez. Les nœuds Bitcoin ont généralement une limite de 300 Mo pour leur mempool. Quand il est plein, les transactions les moins chères sont éliminées après 72 à 168 heures.
En 2023, pendant la vague des NFT Ordinals, le mempool de Bitcoin a atteint 6,2 millions de transactions en attente. À ce moment-là, une transaction avec seulement 2 satoshis par octet a mis plus de 72 heures à être confirmée. Pendant ce temps, les utilisateurs qui avaient payé 100 satoshis par octet voyaient leurs transactions validées en quelques minutes. C’est le marché libre en action : les frais deviennent un mécanisme de rationnement. Pas de garantie de temps, juste de prix.
Les développeurs ont mis en place des outils pour éviter les pièges. Par exemple, la technique « child-pays-for-parent » permet de relancer une transaction coincée en envoyant une nouvelle transaction qui paie des frais élevés - et qui dépend de la première. 31 % des utilisateurs avancés sur BitcoinTalk utilisent cette méthode. Et certains attendent simplement les heures creuses : entre 2 et 5 heures UTC, le mempool est souvent moins chargé, et les frais baissent jusqu’à 63 % selon Chainalysis.
Ethereum : un mempool plus intelligent, mais plus compliqué
Ethereum a changé la donne en août 2021 avec EIP-1559. Au lieu d’un simple prix unique, il y a maintenant deux composantes : le base fee (un prix automatique ajusté par le réseau) et le priority fee (un pourboire pour le validateur). Le base fee est brûlé - il disparaît du système - ce qui rend la politique monétaire d’Ethereum plus prévisible. Le priority fee, lui, reste une course aux enchères.
Le mempool d’Ethereum est aussi plus intelligent : il gère les nonces. Si vous envoyez une transaction avec un nonce 5, puis une autre avec un nonce 3, la seconde sera rejetée. Cela empêche les duplications accidentelles. Il permet aussi de remplacer une transaction en attente en augmentant simplement le prix - une fonctionnalité cruciale quand une transaction est coincée.
Mais cette complexité a un coût. En 2021, pendant le boom des NFT, les frais sur Ethereum ont grimpé de 1,42 $ à plus de 240 $ en quelques semaines. Des milliers d’utilisateurs ont vu leurs transactions bloquées pendant des heures. Sur Reddit, des threads comme « Pourquoi ma transaction MetaMask est-elle en attente depuis 6 heures ? » sont devenus monnaie courante. Les outils comme Etherscan ou Blocknative ont été créés pour aider à visualiser le mempool en temps réel, mais même eux ne peuvent pas prédire avec précision quand une transaction sera confirmée.
Les autres blockchains : des modèles radicalement différents
Solana ne joue pas du tout au même jeu. Son architecture n’a pas de mempool traditionnel. Au lieu de cela, elle utilise un système appelé « gossip-based » où les transactions sont traitées avant même la création des blocs. Cela lui permet d’atteindre 65 000 transactions par seconde. Mais quand ça foire, ça foire fort. En septembre 2021, un bug dans son « transaction processing unit » (TPU) a fait planter tout le réseau pendant 17 heures. Pas de mempool pour ralentir la chute - juste une cascade de défaillances.
BNB Chain, elle, a un mempool qui favorise les transactions venant de l’échange Binance. Une étude de TRM Labs en 2022 a montré que les transactions de Binance étaient confirmées 43 % plus vite que les autres. Ce n’est pas un hasard - c’est une décision délibérée pour garder les utilisateurs de l’échange satisfaits.
Polygon, qui repose sur Ethereum, a optimisé son mempool pour une vitesse accrue. En 2023, une audit de ConsenSys a révélé que 68 % des transactions sur Polygon étaient confirmées en moins de 2,3 secondes, contre 13,7 secondes sur Ethereum dans les mêmes conditions. C’est un avantage majeur pour les applications qui nécessitent une réactivité immédiate, comme les jeux ou les paiements en ligne.
Les problèmes cachés : congestion, attaques et centralisation
Un mempool surchargé n’est pas juste un problème de lenteur - c’est un risque pour la sécurité. Une étude de Vitalik Buterin en 2022 a montré que quand le mempool dépasse 1,5 fois la taille d’un bloc, les chances d’attaques de type « selfish mining » augmentent de 37 %. C’est-à-dire que des mineurs peuvent cacher des blocs pour en créer un plus rentable, et les autres nœuds ne le savent pas avant trop tard.
Les attaques par inundation sont aussi fréquentes. En 2022, 37 % des ralentissements sur Ethereum étaient causés par des bots qui envoyaient des milliers de transactions gratuites ou à très faible frais pour saturer le mempool. Bitcoin a réagi avec des limites de mémoire, et Ethereum a ajouté des « soft limits » pour bloquer les transactions suspectes. Ces mesures ont réduit ces attaques de 62 %.
Et puis il y a le problème de la centralisation. Dr. David Wong, ingénieur en sécurité, a souligné en 2023 que seuls les nœuds bien financés peuvent maintenir un mempool complet pendant les pics de congestion. 41 % des nœuds Bitcoin réduisent leur mémoire disponible quand le réseau est saturé. Ce qui signifie que les petits nœuds perdent la vue des transactions les moins chères - et donc, les petits utilisateurs sont les premiers à être oubliés.
Le futur du mempool : prédictions, mises à jour et alternatives
Le mempool n’est pas figé. Il évolue. Ethereum prépare une mise à jour appelée EIP-4337, qui vise à réduire la valeur extraite par les mineurs (MEV) de 68 % en modifiant la façon dont les transactions sont ordonnées dans le mempool. Cela pourrait rendre les frais plus équitables.
Bitcoin, lui, explore BIP-118, qui permettrait de remplacer plus facilement les transactions coincées. Les tests ont commencé fin 2023. Si ça marche, les utilisateurs pourront relancer une transaction sans avoir à créer une nouvelle.
À long terme, les experts pensent que les blockchains vont devoir repenser complètement le mempool. Le MIT Bitcoin Club a écrit en 2023 que les architectures actuelles ne peuvent pas supporter un milliard d’utilisateurs. Des solutions comme les « sharded mempools » - des mempools divisés en plusieurs parties - sont déjà testées sur les réseaux de deuxième couche d’Ethereum.
Et les entreprises ? Elles ne veulent pas de mempool du tout. R3 Corda utilise des notaires pour valider les transactions sans file d’attente. Hyperledger Fabric crée des pools de transactions privés par canal. Pour les applications d’entreprise, la transparence du mempool public est un risque, pas un avantage.
Comment gérer votre transaction quand le mempool est plein ?
- Sur Bitcoin : Utilisez un estimateur de frais comme mempool.space ou BitPay. Ne payez pas plus que nécessaire. Si votre transaction est coincée, essayez « child-pays-for-parent ».
- Sur Ethereum : Activez l’option « speed up » dans MetaMask. Augmentez le priority fee de 20-30 %. Évitez les heures de pointe (14h-22h UTC).
- Sur Solana : Vérifiez l’état du réseau sur Solana.fm. Si les frais sont bas mais que rien ne bouge, c’est probablement une panne du réseau, pas un problème de mempool.
- Sur Polygon : Vous n’avez presque rien à faire. Les frais sont bas et les confirmations rapides. Si ça prend plus de 5 secondes, vérifiez votre connexion.
Et n’oubliez pas : les transactions en attente ne sont pas perdues. Elles sont juste en file. Elles finiront par être confirmées - ou éliminées. Ce n’est pas une erreur. C’est le fonctionnement normal du système.
Les outils pour suivre le mempool en temps réel
- mempool.space : Le plus populaire pour Bitcoin. Montre la taille du mempool, les frais en temps réel, et les transactions les plus chères.
- Etherscan mempool : Pour Ethereum, montre les transactions en attente, les prix de gaz, et les transactions MEV.
- Blockchair : Supporte plusieurs blockchains, avec des cartes de congestion et des historiques.
- Blocknative : Un service payant pour les développeurs qui veulent des alertes en temps réel sur les transactions.
Ces outils ne sont pas des boules de cristal. Mais ils vous donnent une vue claire de ce qui se passe derrière l’écran. Et dans une blockchain, savoir ce qui se passe en coulisses, c’est avoir un avantage.
Les erreurs à éviter
- Ne payez pas un prix fixe sans vérifier le mempool. Un frais de 10 $ peut être excessif si le réseau est calme.
- Ne relancez pas une transaction sans comprendre les nonces sur Ethereum. Vous risquez de la bloquer définitivement.
- Ne confondez pas un mempool plein avec une panne. Si les autres transactions avancent, la vôtre finira par passer.
- Ne pensez pas que « plus cher = plus vite » sur Solana. Là-bas, c’est la capacité du réseau qui compte, pas les frais.
Le mempool est un système de marché. Il ne réagit pas à la pression émotionnelle. Il réagit aux prix, à la logique, et à la capacité du réseau. Comprendre cela, c’est éviter de perdre de l’argent, du temps et de la nervosité.
M. BENOIT
novembre 1, 2025 AT 11:20